D. J. Case, Y. Liu, I. Z. Kiss, J.-R. Angilella & A. E. Motter, Braess’s paradox and programmable behaviour in microfluidic networks, Nature 574, 647 (2019).
La microfluidique consiste à manipuler des écoulements de fluide dans de tout petits canaux, de volume inférieur au millionième de litre. Ces microcanaux se sont avérés très utiles depuis plusieurs décennies pour réaliser de véritables « laboratoires sur puces », dans lesquels circulent des fluides que l’on va utiliser pour transporter des molécules en solution ou des suspensions de petits objets de nature diverse (cellules biologiques, microparticules, etc.). Ils permettent ainsi de réaliser des opérations de transport, de mélange ou de séparation, d’un grand intérêt en génie chimique, en biologie ou en médecine (synthèse de molécules, tri cellulaire, identification d’agents biologiques, lecteur de glycémie, etc.). Cependant, les actions de contrôle de ces écoulements, comme la fermeture et l’ouverture d’une branche ou le changement de sens et de débit, reposent en général sur des parties fixes ou mobiles pilotées par des dispositifs extérieurs à la puce, ce qui constitue un sérieux frein au développement de cette technologie. Malgré d’actives recherches, on est encore loin de la microfluidique reconfigurable et programmable à souhait.
En étudiant la possible apparition d’une dynamique complexe dans des microcanaux (équilibres multiples et instabilités) des chercheurs de l’université Northwestern (Illinois, USA, département de Physique) et de l’Unicaen (ABTE-ToxEMAC), ont imaginé une solution à ce problème. Elle repose sur l’utilisation de l’inertie du fluide qui, même faible, peut déclencher des instabilités provoquant justement des inversions de débits (un phénomène lié au paradoxe de Braess dans d’autres contextes). Ainsi, en contrôlant ces instabilités, grâce à la théorie des systèmes dynamiques de la Physique non-linéaire, on peut diriger à volonté les flux de liquide circulant dans les diverses branches. Ces modèles théoriques et numériques ont alors été confirmés par la réalisation d’une puce microfluidique inertielle et programmable, à l’université de Saint-Louis (Missouri, USA, département de Chimie). L’article publié dans Nature montre ainsi la faisabilité de cette approche, et détaille en particulier comment un seul paramètre de contrôle (ici la pression d’entrée), permet de créer une grande variété de flux, sans modifier la géométrie des microcanaux, et sans utiliser de dispositif extérieur.